Si ce n’était la présence bruyante des mouettes, on ne devinerait pas que la mer est si proche. A Port Talbot, elle est cachée par l’énorme complexe sidérurgique de Tata Steel, un des plus vastes d’Europe, qui occupe tout le flanc sud-ouest de cette ville côtière du Pays de Galles. L’horizon est barré par la silhouette de ses deux hauts-fourneaux, toute l’activité de la ville tourne autour du site, premier employeur de la ville avec 4 000 salariés.
Le conglomérat indien Tata, qui a acquis le site il y a quatorze ans, a annoncé le 19 janvier son intention de fermer les deux hauts-fourneaux. Le groupe, qui a obtenu une aide de 500 millions de livres sterling (585 millions d’euros) de l’Etat britannique en 2023 pour financer sa transition verte, veut entamer sans tarder la construction d’un four à arc électrique censé fabriquer de l’acier à faible empreinte carbone – l’aciérie de Port Talbot est le site émettant le plus de dioxyde de carbone au Royaume-Uni. Problème : ce four emploiera bien moins de personnel que les hauts-fourneaux, au moins 2 800 postes sont menacés.
« C’est une catastrophe, un emploi à Tata Steel génère quatre emplois chez des sous-traitants et les commerçants de la ville », déplore Alan Coombs, un des responsables du syndicat Community pour l’aciérie, rencontré le 1er février au bien nommé Steel Town Coffee, un café tout proche de l’entrée de l’aciérie. « Le four à arc électrique, en l’état actuel des technologies, ne produira pas un acier de qualité suffisante pour que nous conservions nos clients dans l’industrie automobile », assure Alan Coombs. Les syndicats craignent qu’au lieu de produire de l’acier neuf, le site de Port Talbot ne se contente plus, à l’avenir que de recycler des ferrailles.
Angoissés
Ils proposent un plan alternatif, consistant à n’arrêter qu’un des deux hauts-fourneaux et à prolonger l’activité de l’autre jusqu’en 2032, pour préserver au moins 2 000 emplois et continuer à fabriquer des aciers de haute qualité. Cela coûterait plusieurs centaines de millions de livres sterling mais T. V. Narendran, le directeur général de Tata Steel, qui était auditionné par les députés britanniques le 31 janvier, l’a rejeté, assurant que le site perdait déjà « 1 million de livres sterling par jour » et que maintenir en fonctionnement un haut-fourneau près d’un four à arc électrique « présentait des enjeux de sécurité ».
Des chiffres et des considérations mis en doute par les syndicats : « La vérité, c’est que Tata Steel n’a pas assez investi à Port Talbot et que les infrastructures sont vieillissantes », soutient M. Coombs, qui craint que l’industriel indien utilise la décarbonisation comme prétexte pour se désengager du Royaume-Uni.
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